Voici le dernier facteur de résistance au changement que nous souhaitons présenter ci-après. Il s’agit des éléments de résonance et leur fonction.
Mony Elkaïm a développé et décrit le concept systémique et circulaire de résonance à partir de ses observations de thérapeute lors d’une thérapie de couple (voir Si tu m’aimes, ne m’aimes pas publié en 1988). Ce concept est élaboré à partir de l’expérience personnelle du psychothérapeute et du système formé avec le patient puis le concept sera étendu à tous les systèmes étudiés.
Le concept de résonance part du principe de la cybernétique de second ordre selon lequel la réalité ne peut être saisie, et par conséquent, ni posée indépendamment de l’observateur, c’est-à-dire que la réalité est la résultante de la co-construction à laquelle se livrent les différentes personnes d’un même système. Cette approche met l’accent sur le lien unissant l’observateur et le système observé et donc il est préférable de ne plus décrire le patient ou le système familial (patient-famille) mais le système thérapeutique, qui comprend le patient, la famille et également le thérapeute qui n’est plus dissociable du système et qui y intervient.
La résonnance représente d’une part, le lien entre le passé d’une personne et son vécu à un moment spécifique ; d’autre part, la fonction du vécu de cette personne en tant que renforcement et protection des constructions du monde, des croyances des membres du système auquel elle participe. La résonance a également pour fonction d’amplifier un élément de l’histoire d’une personne, l’élément qui va précisément renforcer le monde de l’autre membre du système dans un contexte spécifique donné. La résonance est liée à une personne mais n’est pas réductible à cette personne ; elle va renforcer chez les membres du système des croyances, afin de protéger l’homéostasie des constructions du monde du système.
Donc une lecture systémique du groupe patient-famille-thérapeute permet de montrer comment un élément lié à l’histoire de l’un ne s’amplifie que dans un contexte où cette amplification a une fonction pour l’autre.
Dans le cas de l’institutionnalisation ou l’hospitalisation d’une personne âgée, dans le système formé par le patient/résident, sa famille et tous les membres de l’équipe soignante des phénomènes de résonance peuvent se mettre en place entre chaque protagoniste en fonction de leur passé et leur croyance ce qui peut aboutir, à force de répétition, à une rigidification de la relation ayant pour conséquence de l’incompréhension, de la colère, du rejet ou une résistance au changement qui aboutiront à l’échec de l’entrée en institution ou à l’hôpital. Il est donc intéressant dans un système thérapeutique donné, de comprendre, d’une part, quels éléments de l’histoire personnelle du thérapeute (ou de chaque personnel soignant) sont à la base de ce vécu amplifié, et d’autre part, de comprendre le rôle de ce vécu pour le patient/résident. L’objectif étant de flexibiliser la résonance et donc le système thérapeutique et d’éviter la répétition.
Elkaïm (2004) décrit ce phénomène comme « chacun, dans son dos, invite l’autre à une danse qui permet la répétition. Et l’art de la thérapie consiste justement à analyser cette invitation, à en reconnaitre pleinement la légitimité, à la comprendre et l’accepter…puis à refuser d’entrer dans cette danse, quitte à esquisser les as d’une autre, plus ouverte au changement ».
Comme évoqué plus haut, l’analyse des résonances ne s’impose que s’il y a blocages ou rigidifications de la relation, lorsque l’interaction des constructions du monde du patient/résident, de certains membres de sa famille et de certains membres de l’équipe soignante produit selon les mots d’Elkaïm (2004) « une danse si répétitive que personne ne peut aller de l’avant ».
Le rôle d’un tiers formé à la systémique peut alors être de flexibiliser cette résonance (et par conséquent le système thérapeutique dans son ensemble) en faisant émerger sa fonction.
Pour conclure cette série sur les 6 facteurs de résistance au changement, il est important de rappeler que ces facteurs doivent être pris en compte dans leur mode interactionnel c’est-à-dire qu’ils seront étudiés non comme émanant des ressources et des capacités du patient ou de la famille ou bien encore de l’équipe soignante de manière individuelle mais comment chaque protagoniste interagit avec un autre protagoniste dans un système donné. De ce système de perception -réaction pourra alors émerger une résistance au changement qui mettra en échec l’institutionnalisation ou l’hospitalisation.
Le thème de l’élaboration de la perte (relationnelle, identitaire, de contrôle) parait central dans les formes de résistances au changement observées lors de cette transition de cycle de vie.
Enfin, chaque membre de l’équipe soignante qui interagit avec le patient/résident et sa famille joue également un rôle fondamental dans l’assemblage émotionnel comme système de résonance qui se co-construit autour du thème de la perte.
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