Après être revenu sur les bases théoriques de la psychogénéalogie (voir post), nous allons maintenant parler de ses applications cliniques tant en termes d’objectifs et de type de thérapie proposés que d’outils utilisés en thérapie.
En clinique, on constate que nos patients ont souvent des symptômes ou des accidents répétés d’histoires familiales passées ou bien encore des cauchemars comme s’ils étaient témoins d’événements qu’ils n’ont jamais vus et auxquels ils n’ont pas participé, des faits qui seraient intervenus autrefois.
On aborde alors avec eux cette notion de transmission transgénérationnelle et en tant que psychothérapeute systémique, je leur propose d’étudier l’influence que le passé familial peut exercer sur le présent individuel d’un membre du système familial à travers ses impacts interactionnels.
Regard systémique et objectifs d’une psychothérapie
Tout d’abord la psychogénéalogie ne s’intéresse pas qu’aux effets délétères des transmissions transgénérationelles, mais également, par exemple, à l’évaluation des effets des loyautés familiales sur les relations familiales actuelles, Elles pourront alors faire découvrir au patient que cette loyauté constitue une véritable ressource thérapeutique car elle peut susciter la résilience individuelle et peut conduire en même temps sur le chemin d’une autonomie véritable. En effet, la psychogénéalogie va tout d’abord permettre au patient de s'approprier les valeurs familiales qui peuvent l'aider tout en se libérant des valeurs qui ne conviennent pas.
Il faut cependant mettre en garde le patient qu’on ne fait pas un travail sur soi pour guérir sa famille mais pour se guérir soi. Nos parents ne changeront pas : c'est à nous de changer et de changer l'image que nous avons de nos parents. Parfois la famille bouge quand un de ses membres se guérit, mais ce ne peut être certain, on parle alors d’un bénéfice secondaire de la thérapie.
Ensuite lorsque que l’on traite en thérapie des difficultés lourdes de la vie, parfois liés à la transmission de traumatismes familiaux passés (lesquels sont souvent inconnus car secrets ou non-dits aux descendants), l’objectif principal sera de clore ce traumatisme et de le surmonter tout en acceptant de ne pas avoir tous les détails ou explications. A partir des informations encore disponibles, c’est à travers un travail de reprise de l’histoire familiale et de « nettoyage de l’arbre généalogique » que l’on peut parvenir à se débarrasser des chaînes de son passé familial et de ses hantises, ne plus répéter sans cesse les problèmes des ancêtres lointains, leurs fautes, leurs erreurs. C’est alors que le patient peut vivre sa vie, pour soi, enfin. Nous verrons ci-dessous l’intérêt du génogramme, à ce stade de la thérapie, comme représentation de l’arbre généalogique.
Enfin la « guérison » ou tout du moins le détachement de son histoire familiale s'obtient à travers le pardon. Cette idée fait souvent frémir : beaucoup pensent que pardonner, c'est nier ses souffrances, se remettre sous le joug de ce qui a fait souffrir. Or le passé est le passé, on ne peut ni le changer ni le nier. Mais on peut donner un sens à son histoire familiale et l’utiliser pour se réaliser. Dans cette démarche thérapeutique, la subtilité réside dans le mouvement : le patient ne se considérera plus comme victime de son passé mais en devient acteur (par exemple en faisant d’abord des recherches, en interrogeant ses proches etc.. puis en se réalisant personnellement au-delà du passé).
Les outils
Le génogramme est un outil qui s’est fait connaître à partir du développement de la thérapie familiale (à ce sujet, voir notamment Family Therapy in Clinical Practice de Murray Bowen, 1978). Le génogramme offre une lecture transgénérationnelle de l’histoire familiale, associant les éléments généalogiques, relationnels et les faits de famille les plus marquants. À la différence de l’arbre généalogique, il se construit à partir des données (et des lacunes) que le patient garde en mémoire et il permet d’obtenir les principales informations sur les membres de la famille ainsi que sur leurs relations au long de deux ou trois générations au moins. Le travail thérapeutique à l’aide de cet outil comprend le décodage des liens qui unissent le patient à ses ancêtres. Cela favorise la connaissance des contextes où se sont déroulés les événements et rend possibles l’évaluation de l’interrelation des acteurs immédiats dans le drame familial, ainsi que la compréhension de la force ou de la vulnérabilité du système par rapport à un sujet donné ou à la situation globale. Le génogramme peut être lu de façon horizontale, à travers le contexte familial, et verticale, à travers les générations.
A partir de la construction du génogramme ou du génosociogramme (sur 7 ou 8 générations) d’une personne, on peut rendre visible et « concrète » la nature de ses liens familiaux ; avec les conflits et les nœuds qui traversent son histoire, les manques, les répétitions qui deviennent repérables, et ce qu’on pourrait croire être les « effets de destin » de sa famille.
J’ai aussi observé combien mettre ces aspects relationnels en mouvement par le psychodrame permet de les contextualiser dans une époque ou une période historique et peut mettre de la distance, de la respiration et du lien dans l’histoire d’une personne. C’est tout l’enjeu de la thérapie transgénérationelle contextuelle qui est enseignée et appliquée partout dans le monde. Les groupes de psychodrame aide à revivre l’émotion de ce qui a été caché dans un contexte donné.
En conclusion, chacun d’entre nous est programmé par son milieu et l’histoire de sa famille, mais devenir adulte, c’est pouvoir s’en distancier, tamiser les transmissions, prendre sa vie en charge, et choisir ses propres désirs, croyances et besoins.
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